Marketing : ne pas avoir peur de délaisser l’entonnoir

Dans l’inconscient collectif, un entonnoir sur la tête est encore lié à l’image du fou…

Indirectement, je revois le Capitaine Haddock qui, laissé seul dans le désert avec Tintin, a tellement soif qu’il en perd la boule jusqu’à voir un mirage : alors que Tintin scrute l’horizon, notre capitaine, épuisé, se met à confondre la silhouette de son ami avec une bouteille de champagne… (in Coke en Stock).

Cela me fait penser à l’entonnoir de conversion dont on parle tant en marketing depuis que le commerce existe. C’est comme si l’agent commercial voyait en tout visiteur-internaute, un prospect transformé en client (bouteille de champagne). Il pense déjà au but. Du coup, il a tellement hâte d’en faire un « acheteur » qu’il met la pression. Il est dans sa bulle, avec un milou, pardon, une idée fixe (!) : traverser son entonnoir des ventes de A à Z, brillamment et le plus vite possible.

C’est là que je tique. Déjà, rien que l’idée « d’entonnoir » m’a toujours exaspérée. Cela me fait penser à ces gobes-mouches en forme de bouteilles en verre dont on ne peut plus ressortir. L’autre (la cible) n’est plus un humain, mais un chiffre potentiel. Non seulement c’est irrespectueux et méprisant, mais c’est devenu contre-productif.

Un parcours de l’entonnoir à revoir ?

Bien sûr, j’entends « mais ce sont les affaires et il est légitime d’avoir comme ambition de vendre son produit ou son service ». Ok. Néanmoins, on peut rester respectueux de sa cible.

Par ailleurs, des études récentes – notamment au travers des réseaux sociaux –, mettent de plus en plus en évidence la tendance suivant laquelle les internautes (consommateurs potentiels) ne jurent plus que par des images et des messages authentiques.

D’ailleurs, entre nous, ces réseaux sociaux ont atteint leur adolescence (entre 15 et 20 ans d’âge, 12 ans pour Instagram), et la rébellion est là, concrétisée par ce que l’on devrait appeler plus justement « limite »  – overdose ? –, ou point de non-retour.

La relation, locomotive de la communication

Ce fameux entonnoir présente donc des limites. Dès lors, il s’agit non pas de le réinventer mais d’aborder son utilisation d’une autre manière en arrêtant de se focaliser dessus… voire en le transformant.

Être authentique passe aussi par le fait de respecter sa cible. Mais attention, cet adjectif « authentique » utilisé à toutes les sauces depuis pas mal d’années – et dans pratiquement tous les domaines du marketing – se doit d’être remis en perspective.

Miser sur la transparence

Dans ce contexte, la méthode de l’inbound marketing ou, en français « marketing entrant » est une approche adaptée aux exigences actuelles des cibles à conquérir. Plusieurs chemins sont possibles.

Même si cette méthode n’est pas nouvelle, ni même la seule à produire des effets, il ne faut pas la négliger. Entretenir une relation vraie, la plus sincère possible : transparente ! C’est ce qu’attendent les clients.

Ainsi, instaurer le dialogue et le respect dans l’échange sert l’objectif. Accepter l’idée que le client est libre (qualificatif plus joli que « le client est roi »), qu’il fait ce qu’il veut. Accepter ses chemins, ses hésitations, permet de mieux l’accompagner, d’être là, ouvert à sa demande quand il est prêt.

Patience et agilité, pour offrir du sur mesure au débotté : en réalité cela signifie savoir s’adapter à la seconde. Pour cela, rien de tel qu’un lâcher prise (ne pas vouloir tout contrôler) et qu’une perception attentionnée du client.

Vous aurez beau apporter du contenu et resérer votre communication en ligne, l’exigence du client ne peut plus être maîtrisée – si tant est qu’elle est pu l’être un jour : celui-ci peut faire ce qu’il veut en ligne, rechercher des informations, s’assurer, prendre des avis, comparer. C’est lui le maître du jeu « je joue à la marchande ». Il attend qu’on le respecte dans le moindre de ses faits et gestes. Vous n’avez au final que peu d’emprise sur lui, sur ses choix, hormis des notions d’impact psychologique (design, formulation) à certaines étapes.

Son besoin est de plus en plus savonneux et difficile à cerner. Quant à lui créer un besoin… Les cibles iront tout de même réfléchir à deux fois. La pulsion d’achat – qui échappe totalement à ceux qui passent nuit et jour sur les data des comportements prédictifs–, relève en réalité d’une part humaine invisible que vous ne pouvez contrôler à 100 %.

L’humilité reste donc de mise dans ce contexte. La sobriété dans les outils déployés pour attirer le client peut s’avérer tout aussi efficace.
Ce qui compte est davantage ce que vous allez lui dire, ce que vous allez partager au fil de l’eau. Certes, continuez de peaufiner votre communication autour de votre produit ou service. Mais c’est tout. Pour le reste, contentez-vous d’attendre ou plutôt de laisser faire les choses, les prendre comme elles viennent au moment où elles arrivent.
Être en permanence… dans l’impermanence.

La « consommation » a évolué. La mondialisation se voit défiée par le local, le recyclé, le rejet du gaspillage. De plus en plus de consommateurs pensent enfin éthique. Or, le commerce garde une image qui lui colle encore à la peau, depuis le moyen âge : celle du marchand qui fera tout pour vendre son produit ou service au meilleur prix… pour lui. Quitte à entourlouper le client sur la qualité. Dans les foires jadis, on parlait de bonnimenteurs. Et cela pouvait marcher ; la force de conviction n’avait pas d’adversaire.

On a le droit de rêver et de faire rêver. Mais aujourd’hui, la force se tient du côté du client qui ne s’en laisse plus compter. Depuis une vingtaine d’années maintenant, il utilise sont allié le plus précieux : le bouche à oreille digital. Autant le marketing en ligne est apparu comme un atout pour les professionnels, autant les informations ouvertes à tous, ont enrayé la machine relationnelle de base. Les avis font la pluie et le beau temps !

Les deux parties jouent quasiment à armes égales. En testant, en comparant, en butinant, en prenant des avis, en recherchant, en évaluant, le prospect ou le client lui aussi finalement utilise un « entonnoir » pour en sortir son choix : ce qui lui conviendra le mieux à ses yeux. Cela ne sert à rien de l’y pousser. L’acte d’achat relève de tant de facteurs, que même les algorithmes les plus pernicieux ne peuvent être sûrs du résultat.

C’est d’ailleurs davantage en aval, après l’achat, que son suivi sera plus pertinent. Communiquer, être là, lui demander son avis, lui répondre immédiatement si quelque chose ne va pas (SAV), lui offrir des avantages mais sans le harceler.

Une passoire pour garder les bonnes pépites : un gagnant-gagnant

Je parlais plus haut de transformer l’image de l’entonnoir. « L’entonnoir » revisité ne doit plus être considéré comme un entonnoir, mais plutôt comme une passoire. Oui une passoire, avec ces trous qui laissent passer la lumière. La lumière pouvant être considérée ici comme la métaphore de l’information authentique.

Une sorte de tamis qui se secoue sans cesse. Au bout, la pépite. Le professionnel, conscient de cette évolution, pour sortir grandi de cette relation, en continuant à communiquer, à échanger, à dialoguer en toute transparence et honnêteté. S’il respecte la nature du client, il se respectera lui-même.

La balle au centre. Vive les passoires, vive les fous !

P.-S. : j’avais commencé cet article en 2017. Resté au fin fond de mes brouillons, je le reprends en 2020. Plus que jamais d’actualité.

Images : Pixabay

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